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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 08:10

Quand j'ai  commencé à réfléchir à la destination des vacances, l’Irlande s’est rapidement imposée. Et là, je me suis rendu compte que le Connemara était en Irlande; pendant des années j’ai bêtement cru que c’était en Ecosse. La faute à la chanson de Michel Sardou, les lacs du Connemara, et à ces monstres des lacs qu'on voit nager certains soirs d'été et replonger pour l'éternité. Monstre des lacs ? Le Loch Ness bien sûr, et donc l’Ecosse.

 

Finalement, cette chanson décrit-elle l’Irlande ? Après une semaine passée sur place, voyons cela ensemble.

 

Les lacs du Connemara

 

Déjà c’est clair dès le titre ; les paroliers n’ont pas choisi l’option Mystère en dernière année d’école d’écriture. Ca va parler de lacs, mais pas n’importe lesquels, de ceux du Connemara. Pourquoi pas ceux du Vestfirðir en Islande ou ceux de la Likouala au Congo, nul ne le sait ; peut-être que Sardou a lu un article dans Géo ou que l’ambassade d’Irlande lui a passé une commande spéciale afin d’attirer les touristes en échange d’un cottage en pierre brute ou quelques moutons. Bref, Michel Sardou appelle Pierre Delanoë, lui parle de son rêve de gosse de mener un troupeau d’agneaux à la prairie et il le convainc du bonheur d’arpenter les tourbières.

 

Terre brûlée au vent

Des landes de pierre

Autour des lacs

 

Quand ils ont entendu ça à l’ambassade, ils ont failli renverser leurs pintes de Guinness. Sûr que l'endroit ne ressemble pas aux jardins de l’Alhambra, mais qui visitera les régions dévastées par un terrible incendie qui a brûlé jusqu’à la terre ? En plus le vent souffle et doit faire voler les cendres ? Les promeneurs doivent s’y balader en combinaison intégrale. En tout cas nous voilà prévenus, le Connemara c’est de l’eau, des cailloux et du vent.

 

C'est pour les vivants

Un peu d'enfer

 

Si on n’avait pas compris, Sardou enfonce le clou. C’est l’enfer mais spécifiquement pour les vivants ; pour les trépassés rien n’est dit, par conséquent on suppose que les morts y sont peut-être même heureux. En enfer se retrouvent tous les pires pécheurs de la création. Donc l’endroit est un immense cimetière avec des tueurs, des violeurs et autres responsables de graves crimes. Waouh, ça fait diablement envie !

 

Le Connemara

 

On pouvait encore croire à une méprise, un titre qui induisait en erreur, mais non, l’auteur persiste. L’Ambassadeur peut tranquillement s’effondrer dans son assiette de pudding.

 

Des nuages noirs

Qui viennent du nord

Colorent la terre

Les lacs, les rivières

 

En plus du vent, il y a des nuages. Pas moyen de faire une belle photo, pas de contraste, tout est sombre, la terre et l’eau ; au cas où il y aurait le moindre doute, où seuls les lacs seraient noirs, Sardou précise que les rivières le sont aussi. Rien n’est dit sur les mares, les rus, les marais et les torrents, mais j’imagine qu’ils sont bien noirauds également.

 

C'est le décor

Du Connemara

 

Ah, voilà ! Il s’agit d’un décor. Nous sommes en plein film ; ce n’est pas le vrai paysage. Nous respirons. Sacrés farceurs ces auteurs ! Faut bien dire que sinon, nous quitterions ces premiers couplets sur un résumé à faire fuir Nicolas Hulot : Connemara = Terre brûlée, cailloux, vent, nuages noirs.

Au printemps suivant

Le ciel irlandais

Etait en paix

 

Quelle était la saison au début de la chanson ? On ne sait pas, mais maintenant c’est le printemps. Donc le ciel est en paix ; il devait être en guerre avant avec des chasseurs F16 ou des mirages 2000 ; on comprend que les auteurs n’en aient pas parlé avant, car en plus du temps pourri et du paysage désolé, va-t-en appâter le touriste dans un pays en guerre.  Imagine le vacancier à Verdun en 1916 !

 

Maureen a plongé

Nue dans un lac

Du Connemara

 

Ah ! Un peu d’érotisme. Jusqu’ici on ne peut pas dire que le Connemara faisait palpiter les sens ; donc les auteurs ont du se dire qu’une fille nue, ça marcherait toujours. On ne sait pas qui est cette Maureen. Maureen Dor ? Non, elle avait 11 ans à l’époque ? Pas très irlandaise ou alors elle s’est teinte en rousse. Il s’agit plus probablement de Maureen O’Hara, mais elle est née en 1920 ; je ne suis pas sûr qu’à part quelque gérontophiles beaucoup de touristes se déplacent pour la voir, même à poil.

 

Sean Kelly s'est dit

Je suis catholique

 

Ca, c’est une info, mais les affirmations religieuses d’un cycliste n’intéressent pas grand monde. Et puis qu’est ce qu’il fait là, comme par hasard, Sean Kelly ? Il devait avoir besoin de bouffer du bitume pour s’entraîner à la prochaine course des vétérans et voilà qu’il tombe sur cette vieille Maureen en tenue d’Eve, sans même la marque du cuissard, sortant des eaux froides du lac ; il se dit que c’est un miracle, un vrai à tomber de sa selle. Si ce n’est pas une preuve de l’existence de Dieu, quoi le sera ! Le miracle le fait catholique.

 

Maureen aussi

 

Pas très indépendante la Maureen, ni très créatifs les auteurs !

 

L'église en granit

De Limerick

Maureen a dit oui

 

Sean Kelly emmène Maureen sur son vélo, en danseuse pour la laisser s’asseoir et il pédale jusqu’à Limerick. Sacré trotte quand même, champion cycliste ou pas. Je vous laisse imaginer les crampes dans les jambes de Maureen, essayez de rester assis sur un vélo sans toucher le cadre ou le sol, pendant que quelqu’un pédale et vous m’en direz des nouvelles ! Arrivés devant l’église, Sean et Maureen descendent de bicyclette. Sean est affamé, après des heures d’effort. Il demande à Maureen si ça lui dirait de manger un fish & chips dans le pub en face. Maureen aurait pu dire non, elle trouve les frites trop grasses, mais Maureen a dit oui, pour faire plaisir à Sean ; cela faisait bien quarante ans que quelqu’un ne l’avait pas draguée. Ils décident d’inviter leurs amis à une gigantesque Kebab partie pour le week-end suivant.

 

De Tiperrary

Bally-Connelly

Et de Galway

Ils sont arrivés

Dans le comté

Du Connemara

 

Bon, pour Tiperrary et Galway, OK ; mais Bally-Connelly c’est en plein Connemara. Sardou n’a pas dû récolter une bonne note en histoire géo au bac. Faut dire qu’en 1981 à l’époque ou la chanson a été écrite, Internet n’existait pas. Quoi ? Il y avait des atlas ? Ah bon.

 

Y avait les Connors

Les O'Conelly

Les Flaherty

Du Ring of Kerry

 

Trois familles étaient donc invitées à la fête; je me demande bien laquelle habitait Galway entre les Connors et les O’Conelly. Je dirais les Connors, qui y tiennent une pâtisserie. Les O’Conelly venant sûrement de Bally-Connelly ; pas très original mais bon pour la rime. Dans ce cas, il reste Tipperary, dont on ne sait pas qui en est venu. Manque d’inspiration ? Pourtant il y avait des noms possibles : O’Brien, O’Toole, Cahill, et des milliers d’autres.

 

Et de quoi boire

Trois jours et deux nuits

 

Et après, pour finir la fête, plus rien à siroter ? Non, rien que de l’eau. Les kebabs par contre étaient à volonté.

 

Là-bas, au Connemara

On sait tout le prix du silence

 

Au cours de 1981, le gramme de silence (qui est d’or comme Sardou ne l’ignorait pas) s’achetait autour de 160 Francs, mais aujourd’hui les habitants savent que le silence vaut environ 31 euros le gramme.

 

Là-bas, au Connemara

On dit que la vie

C'est une folie

 

On dit aussi que la mort c’est une bêtise, que l’amour c’est une absurdité, que l’amitié c’est une divagation, que la foi c’est une inconscience ; mais bon, les auteurs se sont arrêtés à la première citation.  Delanoë voulait faire une pause, bourrer sa pipe et tirer quelques bouffées ; la première était la bonne.

 

Et que la folie

Ça se danse

 

Le seul hic, c’est qu’au lieu de la bourrer de tabac, il a rempli sa pipe de bruyère en fleurs pas encore sèche et ça lui est monté au cerveau. Il aurait tout aussi bien pu le faire avec la deuxième citation : ‘et que la mort ça se danse’.

 

Terre brûlée au vent

Des landes de pierre

Autour des lacs

C'est pour les vivants

Un peu d'enfer

Le Connemara

Des nuages noirs

Qui viennent du nord

Colorent la terre

Les lacs, les rivières

C'est le décor

Du Connemara

 

Pour ceux qui se seraient laissés distraire par l’aventure en tandem de Sean Kelly et de Maureen O’Hara et par la méga teuf qui a suivi, rappelons bien que le Connemara ce n’est pas la fête. Il y fait très mauvais, il y a de l’eau, de la terre noire et des cailloux.

 

On y vit encore

Au temps des Gaels

Et de Cromwell

 

Oliver Cromwell, 1599 – 1658 ; pas très évolués les Irlandais, presque moyenâgeux.  Pour le coup c’est toute l’Ambassade d’Irlande qui a envisagé un suicide collectif. Vous vous voyez visiter le pays sans voiture, à cheval sur les chemins boueux ? A manger de la graisse de porc au petit-déjeuner avant de vous laver au baquet d’eau froide une fois le mois ? Le troupeau de moutons promis par l’ambassade s’annonce mal !

 

Au rythme des pluies

Et du soleil

 

Brusque éclaircie de lucidité ; les auteurs se rendent comptent qu’ils sabordent le projet touristique qu’on leur a confié. Ils décident de laisser entrevoir que parfois le soleil peut briller.  Ils passent malheureusement le rythme sous silence (ce qui est presque un oxymore) : une heure de soleil, une semaine de pluie.

 

Au pas des chevaux

 

Ah, non, voilà le rythme, tac-tac, tac-tac, tac-tac, des chevaux qui tirent les carrioles dans les ornières profondes. On pouvait aussi imaginer le tic-tic-tic-tic des moutons, mais foin de la créativité !

 

On y croit encore

Aux monstres des lacs

Qu'on voit nager

Certains soirs d'été

Et replonger

Pour l'éternité

 

L’allusion à Nessie, le gentil habitant du Loch Ness est transparente. Le problème c’est que le Loch Ness est en Ecosse et pas en Irlande. Alors l’office du tourisme de Galway il n’est pas content, mais alors pas content du tout. Et il l’a fait savoir à l’Ambassadeur à Paris en accompagnant sa boîte de Ferrero d’un libelle au vitriol contre les chanteurs français incultes : qu’ils ne mettent jamais les pieds chez nous, je suis pour, conclut-il. En plus, si le monstre disparaît pour l’éternité, il n’y a plus aucune chance de le voir. On essaie d’attirer le chaland avec des gros poissons, mais pour le voir, raté ! C’est monstrueux comme publicité mensongère !

 

On y voit encore

Des hommes d'ailleurs

 

Avec le portrait du Connemara qui a été brossé, on est surpris que d’autres que des Irlandais y puissent vivre.

 

Venus chercher

Le repos de l'âme

 

Ah voilà, le repos de l’âme. Ils sont venus y décéder. C’est cohérent avec le fait que le Connemara soit un peu d’enfer pour les vivants et un paradis pour les morts. En tout cas, sympa la chanson. Sardou a décidé d’inviter au pays tous ceux qui veulent mourir ; le coin doit ressembler à un funérarium à ciel ouvert.

 

Et pour le cœur

Un goût de meilleur

 

Et en plus on y mange du cœur, qui y aurait meilleur goût qu’ailleurs. C’est de plus en plus glauque.

 

L'on y croit encore

Que le jour viendra

Il est tout près

 

Les habitants du Connemara, la nuit, ils croient que le jour viendra. Comme on y vit comme au Moyen-Âge, le peuple ne sait pas que la terre tourne autour du soleil et que sans le moindre doute, le jour viendra après la nuit. Heureusement qu’ils ont cette croyance sinon ils se suicideraient … et trouveraient le fameux repos de l’âme que les étrangers viennent chercher. En plus c’est sûr que si on parle de demain, alors le jour est vraiment tout près.

 

Où les Irlandais

Feront la paix

Autour de la croix

 

C’est sûrement une tradition locale : à chaque lever du jour, les camps ennemis se rassemblent autour d’une croix en bois posée par terre, dont les bras indiquent les frontières de chaque tribu.  Là Sardou s’est dit que terminer sur la paix ça devait contrebalancer un peu toutes les horreurs qu’il a écrites jusqu’alors. La paix, la colombe, le rameau d’olivier, c’est tellement mignon.

 

Là-bas, au Connemara

On sait tout le prix de la guerre

 

On savait déjà qu’au Connemara on connaissait le prix du silence (31 euro le gramme rappelez vous), on apprend maintenant qu’on y connaît aussi celui de la guerre. Entre 4 et 6 millions d’euro la semaine pour un petit pays. En tout cas, les Irlandais doivent être de sacrés consommateurs, à tout savoir sur les prix comme ça.

 

Là-bas, au Connemara

On n'accepte pas

La paix des Gallois

 

Le jour de la paix était tout près, brusquement il n’arrivera jamais. La tribu de Louis Gallois voudrait bien cesser les hostilités afin de vendre encore plus d’Airbus à Ryan Air (ou de TGV à la Royal Railway à l’époque). Elle est en guerre avec celle de Mickey O’Boeing.  Autour de la croix, dans un pub, lors d’une soirée mousse, il s’en fiche le Louis, il est même prêt à manger du trèfle et à manger des tripes au saindoux, mais il veut la paix. Au Connemara ils n’ont pas d’aéroport puisque le moyen de transport le plus rapide c’est le cheval, alors vous pensez si la paix de Gallois ils en donneraient une demi pinte !

 

Ni celle des rois d'Angleterre

 

Sardou et Delanoë sont épuisés. Ils se rendent bien compte que leur publicité pour le Connemara est peu aguichante : un cimetière, des cailloux, de l’eau noire, de la terre brûlé, une vieille femme nue, des monstres qu’ont ne verra plus jamais, des consommateurs qui achètent et vendent du silence et de la guerre et par-dessus tout un temps pourri. Ils sortent alors l’arme suprême, l’aversion atavique des Français pour les Anglais, le dédain de la toujours perfide Albion, le mépris pour le chapeau melon. Si le Connemara s’oppose à l’Angleterre, alors il est indubitablement notre ami; allons visiter notre ami!

 

Et voilà comment une chanson sur le Connemara, un de plus grands tubes de Sardou, peut se révêler une belle publicité mensongère !

 

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commentaires

A
C'était d^role au début mais un peu long à la fin :)
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A
C est une honte de démonter un texte aussi parlant pour tout etre “humain”, je précise parceque j’ai l’impression que c’est une IA ou quelqu’un qui n’est jamais sortit de chez lui qui a rédigé cette tartine de culture inutile et sans rapport avec le texte. Prendre les choses au premier degré pour en faire de l’humour n’est pas universel ? Mais si, quand on sait pas faire rire, la preuve ici. Je “comprend” pas que je puisse trouver un article de la sorte dans les cinq premiers referencements de ma recherche.<br /> /spit
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T
Ce qui est réjouissant, Antoine, c'est votre jugement péremptoire sur un texte dont la vocation second degré est manifeste. Que vous n'aimiez pas vous regarde ; que vous preniez du temps pour le dire avec mépris et hostilité me surprend davantage. Vous démontrez, en tout cas, en effet, que l'humour n'est pas universel.<br /> Quant à vos réflexions sur 'l'être humain', sur mon supposé manque de connaissance du monde, dans votre 'tartine' qui comme souvent sur internet éructe de critiques, vous me faites sourire. Je vous remercie pour cela.
D
Merci pour ce billet. Très divertissant. J’adore votre humour.<br /> J’ai noté une faute dans le dernier paragraphe : « des monstres qu’on ne verra plus jamais »
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A
si vous aimez pas et comprenez pas..taisez-vous!! toute une histoire cette chanson, et je n'aime pas Sardou!! <br /> Comme si on nous disait la Marseillaise de la mmm.. respect..
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T
Quel peut bien etre le rapport avec La Marseillaise ?<br /> En tout cas, cela témoigne une fois encore que cette forme d'humour n'est pas universelle :-)
V
condamnée à chanter ce texte par ma chorale... merci, ce commentaire renforce mes impressions !!! rien que de chanter du Sardou, j'en ai une crise d'allergie !
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