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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 07:48

Alice-Zeniter---Sombre-dimanche.jpgConstruite par l’arrière grand-père d’Imre, la maison familiale est posée au milieu des rails près de la gare de Budapest. Elle a résisté à toutes les tentatives d’achat par la compagnie des chemins de fers. Construite principalement en bois, aujourd’hui vétuste, elle arbore au fronton le nom de l’aïeul, IMRE MÁNDY.  Ce nom, Imre le porte, à l’instar de son grand-père.

 

Imre est un adolescent un peu timide, qui aimerait prendre un peu son indépendance, imiter sa sœur Ági, qui a pris un appartement en ville pour étudier et qui se sent si libre en dehors, loin des non-dits de la famille. Car dans cette Hongrie contemporaine, les Mándy semblent conserver ce culte du secret formé pendant la dictature communiste. Imre ne parvient pas à comprendre pourquoi son grand-père se soule tous les 2 mai en maudissant les jardiniers, pourquoi son père ne porte pas, comme lui, le prénom traditionnel du premier né et se nomme Pál, pourquoi la mention du passé provoque silences gênés et insultes à Staline. Quand Imre questionne on lui répond que « le petit curieux devient vieux trop tôt ».

 

Alors Imre rêve avec son copain Szolt, un beau gosse qu’il admire un peu, de rencontrer des californiennes, filles perçues comme exubérantes et faciles, de faire éclater cette chape de plomb qui pèse sur la maison ; car s’il est spectateur des départs des voyageurs dont les déchets se retrouvent dans son jardin, son propre horizon demeure inéluctablement proche, borné. Et s’il parvient à trouver un travail finalement plaisant dans un sex-shop, il doit le cacher à sa famille, ne parvenant pas à construire sa propre vie avec bonheur.

 Logo Aime1

 

Le silence va pourtant très lentement se fissurer dans ce cercle familial qui erre de jours en jours sans vraiment les vivre, qui n’attend même rien de ce Dieu auquel Pál adresse cette prière en forme de supplication « Oublie nous. Arrête. Laisse tomber ». On ressent le fatalisme désabusé de ceux qui sont revenus de tout, qui ont vécu l’invasion soviétique en novembre 56 et les cinq années de terreur qui suivirent : « Pál compris que si l’année 1956 avait été si longue et si terrible c’est parce qu’elle avait duré jusqu’en 1961».

 

C’est une histoire d’absences, de manques, d’espoirs déçus puis oubliés, de résignations, « sous trop de porches, des gens attendent surs que la vie leur doit quelque chose, quelqu’un, et jamais ça n’arrive ». C’est une lente désagrégation de la volonté, brisée, l’acceptation des évènements sur lesquels l’homme n’aurait pas de prise, la constatation affligée que la vie passe avec ou sans nous « Je croyais quand j’étais jeune qu’en vieillissant on arrivait à la sagesse, mais c’est des conneries. On n’arrive à rien qu’à vieillir. On devient un animal qui pleure. […] Tout ce que je vois c’est que les années ont passé et que les années passées sont des années mortes. »

 

Alice Zeniter écrit une partition sur la douleur du passé et la difficulté d’être ; une partition qui alterne l’espoir conquérant des cuivres et le lamento émouvant, le chant désespéré du pupitre de violoncelles. Alors oui, peut-être, quand une douleur sans limite s’installe une chanteuse pourrait s’avancer sur scène et, dans un pianissimo de l’orchestre, lancer, davantage pour elle que pour le public, impuissant spectateur, « tous les dimanches sont tristes, les larmes sont ma seule boisson, la tristesse est mon seul pain. »

 France-Inter.jpg

 

Ce livre a été élu Prix du Livre Inter 2013 au cinquième tour de scrutin après de longs débats entre les jurés; il n’a pas fait l’unanimité. Si Alice Zeniter possède sur sa dauphine, Marie Ndiaye, l’avantage d’être peu connue, et bénéficiera sans doute davantage de l’écho de ce prix, son roman manque du souffle et de la puissance de Ladivine.

 

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commentaires

G
Ce type de livre et de sujet me tente de moins en moins. Je passe.
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