Le concept de désir théicole prend ses racines dans le besoin de convier de façon originale un groupe d’amateurs de thé à venir déguster leur infusion favorite. Ces théinomanes travaillent éparpillés au deuxième étage d’un bâtiment quelconque pour concevoir et réaliser de magnifiques projets dont l’audace ne le dispute qu’à l’innovation technologique pour un fier avenir.
Mon espace de travail hébergeant la théière, il me fallait un moyen d’informer mes coreligionnaires en thé que le breuvage dont nous raffolons n’attendait que leurs papilles pour exploser en bouquet de saveurs.
Faire le tour des bureaux ne pouvant s’envisager de manière régulière sans mettre sans doute grandement en péril la santé financière de nos actionnaires, le message électronique (l’email aurait écrit un fainéant et un partisan de nos ennemis héréditaires d’outre Manche, le courriel lui aurait préféré un gardien vigilant de notre langue) s’imposa rapidement. D’un clic, chacun devenait conscient qu’un délicieux moment de partage était à portée de tasse (ou de mug aurait écrit l’anglophile).
Mais que choisir comme sujet de ces messages ?
- Une formule lapidaire : « Thé », « Le thé est prêt », « T »
- La description de la variété : « Earl Grey », « Oolong », « Darjeeling », « Sencha »
- Une information allusive : « C’est l’heure !», «Si cela vous dit … », « Une pause ? »
- Une formule abstruse : «Caféine en plongeons de bourgeons »
L’inspiration vint à manquer sous quelques semaines. La routine prenait le dessus.
Un matin, recherchant une façon nouvelle de m’acquitter de cette tâche, je me souvins d’une publicité pour Aubade, la célèbre marque de lingerie. Elle affichait sous chaque nouvelle photo, fort esthétique au demeurant, une leçon telle: «Leçon n° 3 : Placer quelques obstacles sur son chemin» ou «Leçon 53 : l’entraîner dans votre chute».
La décision fût prise et les désirs théicoles naquirent. J’informai désormais que le thé était prêt par un désir que je nommai théicole, à la fois conscient et satisfait de ce néologisme. Je m’imposai en plus que chaque désir commence par un verbe chaque fois différent. Autre contrainte, la rédaction d’un désir ne devait pas prendre plus de quelques secondes afin que ma productivité n’en pâtisse point et que les actionnaires s’empâtassent.
Ces désirs s’inspirent parfois de l’actualité, se basent sur l’humour ou les jeux de mots, font quelquefois appel à la musique de notre langue (Ah les assonances et les allitérations!), résonnent d’une poésie loufoque ou absurde et toujours témoignent de l’envie de l’instant.
Le premier désir théicole fût :
Désir 1 : S'enivrer du parfum ocre de la terre après l'orage
J’ai toujours aimé cette odeur particulière que la campagne possède après un bref orage par une chaude journée. La couleur ocre (et sa proximité sonore avec acre) me parait apte à nuancer ce parfum.